IQVIA lance « Healthcare Enriched Hub » : un entrepôt de données pour accélérer la recherche en vie réelle en France

Dima Samaha, directrice de l'activité données en vie réelle chez IQVIA France

Dima Samaha, directrice de l’activité données en vie réelle chez IQVIA France

IQVIA, acteur mondial de la donnée de santé, reste encore mal identifié. Quel est son rôle en France ?

Dima Samaha : IQVIA est un acteur mondial spécialisé dans l’exploitation des données de santé, la recherche clinique et le conseil basé sur ces données. En France, nous travaillons avec de nombreux acteurs du système de soins, publics comme privés. Notre rôle est d’aider à mieux comprendre les parcours de soins, à évaluer l’efficacité des médicaments et des technologies de santé en conditions réelles, et à produire des données utiles à la décision, toujours dans un objectif de bénéfice pour les patients et la collectivité.

Avec le lancement du « Healthcare Enriched Hub », IQVIA se dote d’un nouvel entrepôt de données de santé. Quelle en est la vocation ?

Dima Samaha : Healthcare Enriched Hub est un entrepôt de données de santé que nous avons souhaité mettre en place pour faciliter et accélérer la production d’études en vie réelle en France. L’idée est de disposer d’un cadre pérenne permettant de relier, de manière encadrée et sécurisée, des données nationales de parcours de soins avec des données cliniques issues de la médecine de ville, afin d’avoir une vision plus complète et plus fine du parcours des patients.

Les bases nationales de remboursement et d’hospitalisation constituent déjà une source majeure d’information. Pourquoi était-il nécessaire d’aller plus loin ?

Dima Samaha : Ces bases sont extrêmement puissantes, mais elles reposent avant tout sur des données administratives. Elles permettent de savoir qu’un acte a eu lieu ou qu’un traitement a été délivré, mais elles donnent parfois une vision partielle de la réalité clinique.

Les dossiers médicaux électroniques apportent des éléments essentiels : le diagnostic posé par le médecin, les résultats d’examens biologiques, des paramètres comme l’indice de masse corporelle ou la tension artérielle, les symptômes ou les antécédents.

C’est cette richesse clinique qui permet d’approfondir l’analyse et de mieux comprendre ce qui se passe réellement dans le parcours de soins.

Quelles données peuvent être intégrées dans cet entrepôt ?

Dima Samaha : Cela dépend toujours de la question de recherche. Selon les projets, on peut mobiliser des informations comme les diagnostics, certains résultats biologiques, des paramètres de suivi biomédical, des éléments de comorbidité ou encore des données d’évolution clinique. L’objectif n’est pas de tout exploiter systématiquement, mais de sélectionner les variables les plus pertinentes en fonction de la problématique étudiée.

Quel gain de temps peut-on raisonnablement attendre ?

Dima Samaha : Aujourd’hui, pour certaines questions de recherche, il peut se passer plus de deux ans entre le moment où une question est formulée et celui où les données deviennent réellement exploitables. Avec Healthcare Enriched Hub, nous souhaitons standardiser et pérenniser le chaînage des données afin de réduire fortement ces délais. L’entrepôt est en cours de constitution et l’objectif est ensuite de pouvoir mener des études dans des délais de l’ordre de quelques mois, ce qui est déterminant pour éviter l’obsolescence des résultats face à des enjeux de santé publique évolutifs.

Le chaînage de données reste un sujet sensible. Comment est-il réalisé dans ce dispositif ?

Dima Samaha : Le chaînage s’inscrit dans un cadre réglementaire strict. Il repose sur des mécanismes d’appariement probabiliste, réalisés par la CNAM, et non par IQVIA directement. Ce type d’appariement permet de rapprocher des informations issues de différentes sources sans jamais identifier directement les personnes concernées. Il ne s’agit pas de suivre un patient individuellement, mais de reconstituer des trajectoires de soins de manière statistique et sécurisée.

La notion de données « pseudonymisées » est centrale. Que recouvre-t-elle concrètement ?

Dima Samaha : Les données pseudonymisées sont des données traitées sans éléments directement identifiants, comme le nom ou le prénom.

Nous travaillons sur des caractéristiques non identifiantes  (âge, diagnostic, paramètres cliniques, comorbidités) qui permettent l’analyse sans possibilité d’identifier un patient, un prescripteur ou un établissement.

Plusieurs tiers de confiance, indépendants d’IQVIA, interviennent en amont pour assurer ce niveau de protection avant que les données ne soient exploitées à des fins de recherche.

Comment les patients sont-ils informés de l’utilisation de leurs données et de leurs droits ?

Dima Samaha : L’information passe par le médecin, mais également par des supports dédiés, notamment des affiches comportant un QRcode renvoyant vers un portail de transparence. Les patients peuvent y trouver des informations détaillées sur l’utilisation des données et sur les études menées. Ils disposent surtout d’un droit d’opposition, qu’ils peuvent exercer à tout moment, directement auprès de leur médecin ou via les contacts dédiés, sans que cela n’impacte leur prise en charge médicale.

Qui peut accéder aux données ?

Dima Samaha : Seules des personnes habilitées peuvent travailler sur les données, dans un environnement sécurisé.

Les clients d’IQVIA, qu’ils soient publics ou privés, n’ont jamais accès à des données individuelles, même pseudonymisées ; ils reçoivent uniquement des résultats agrégés, présentés sous forme de tableaux ou de figures statistiques.

Cependant, les partenaires scientifiques, académiques ou institutionnels, peuvent accéder à un jeu de données dans le cadre d’un projet d’intérêt public, sous réserve d’une validation préalable par le comité scientifique et éthique (CSE-HEH) et d’une habilitation conforme, incluant notamment l’accréditation SNDS. Cette ouverture vise à favoriser la recherche et à renforcer l’innovation au service de la santé publique.

Un comité scientifique et éthique encadre les projets. Quel est son rôle précis ?

Dima Samaha : Chaque projet doit démontrer un intérêt public. Le comité scientifique et éthique, composé de membres internes et externes, incluant notamment des médecins et des représentants d’usagers, rend un avis préalable et motivé sur l’opportunité de recourir aux données de l’entrepôt, conformément à l’autorisation délivrée par la CNIL.

En quoi les travaux issus de Healthcare Enriched Hub peuvent-ils, à terme, concerner les pharmaciens d’officine ?

Dima Samaha : Les études produites permettent d’éclairer l’évaluation des parcours de soins, l’impact des politiques de santé, la sécurité des traitements ou encore la prévention. Ces travaux alimentent ensuite des rapports, des avis ou des recommandations émis par les autorités sanitaires. Même si les retombées sont indirectes, elles structurent progressivement les pratiques professionnelles, y compris à l’officine, en renforçant le bon usage des médicaments et la qualité de la prise en charge.